Réorganisation judiciaire par accord collectif
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Résumé :
Permettre à une entreprise en difficulté de négocier un consensus avec ses créanciers pour réorganiser ses dettes, éviter la faillite et poursuivre son activité.
La réorganisation par accord collectif offre aux entreprises en difficulté une alternative à la faillite tout en visant à préserver leurs activités et les emplois.
L’objectif de cette procédure permet à une entreprise d’obtenir un consensus avec ses créanciers afin de :
- réorganiser ses dettes ; et
- surmonter ses difficultés financières.
Il s’agit d’une approche consensuelle pour éviter la liquidation judiciaire.
Le plan de réorganisation est un élément central dans le cadre de la procédure de réorganisation par accord collectif. Ce plan vise à restructurer l’entreprise en difficulté afin de lui permettre de continuer son activité tout en régularisant sa situation financière.
Personnes concernées
Cette procédure concerne :
- un commerçant ;
- une société commerciale ;
- un artisan ; ou
- une société civile.
Un commerçant est une personne physique ou morale qui :
- exerce des actes de commerce ; et
- en fait sa profession.
Conditions préalables
L’entreprise doit être considérée comme viable, c’est-à-dire présenter un potentiel réel de redressement.
L’entreprise doit rencontrer des difficultés financières qui la mettent dans l’incapacité de payer ses dettes à l’échéance. Toutefois, ces difficultés doivent être considérées comme :
- temporaires ; et
- susceptibles d’être surmontées grâce à l’accord.
Modalités pratiques
Introduction de la demande
Vous devez déposer une requête au tribunal (tribunal d’arrondissement, en matière commerciale, territorialement compétent), accompagnée de documents qui justifient les difficultés rencontrées et les efforts entrepris pour redresser votre situation.
Vous devez expliquer :
- votre situation financière ;
- lister vos créanciers ; et
- fournir un plan pour résoudre vos problèmes financiers.
Si certains documents ne sont pas disponibles immédiatement, vous pouvez les transmettre au tribunal au plus tard 2 jours avant l’audience.
Votre demande doit être :
- signée par vous, en tant que représentant de l’entreprise, ou votre avocat ; et
- déposée au greffe du tribunal.
Un accusé de réception vous est remis pour confirmer le dépôt de votre demande.
Pièces justificatives
Vous devez joindre à votre demande les documents suivants :
- un exposé des faits : ce document explique pourquoi vous pensez que la survie de l’entreprise est menacée à court ou long terme ;
- les objectifs de la procédure : vous devez préciser ce que vous voulez accomplir avec la réorganisation judiciaire (par exemple : gagner du temps pour payer vos dettes, négocier avec vos créanciers, etc.) ;
- les 2 derniers comptes annuels :
- si vous êtes une société, vous devez fournir vos comptes annuels des 2 dernières années ;
- si vous êtes une personne physique (un entrepreneur individuel), vous devez fournir vos 2 dernières déclarations d’impôts ;
- une situation comptable récente, c’est-à-dire un document qui :
- montre ce que l’entreprise possède (actif) et ce qu’elle doit (passif) ;
- doit être accompagné d’un compte de résultats récent (moins de 3 mois) ;
- doit être établi avec l’aide d’un expert-comptable ;
- un budget prévisionnel : un plan qui prévoit les recettes et les dépenses de l’entreprise pour la période de sursis demandée. Ce budget doit être préparé avec un expert-comptable ;
- la liste des créanciers : vous devez fournir une liste complète de vos créanciers (les personnes ou entreprises à qui vous devez de l’argent), avec le montant dû à chacun ;
- un plan de redressement : un document qui explique les mesures que vous envisagez pour redevenir rentable, satisfaire vos créanciers, et éventuellement, prévoir des solutions sociales pour les employés (comme un plan social) ;
- les obligations envers les salariés : un rapport qui montre comment vous avez informé vos employés, ou leurs représentants, sur la situation ;
- des documents légaux (si applicable) : si vous demandez la suspension de certaines saisies de biens, vous devez joindre une copie des documents légaux liés à ces saisies ;
- une liste des associés (si applicable) : si vous êtes une société avec des associés qui ont une responsabilité illimitée, vous devez fournir une liste des associés et prouver qu’ils ont été informés.
Désignation du juge délégué
Après dépôt de votre demande, un juge délégué est nommé pour examiner la recevabilité et la pertinence de votre demande.
Ce juge peut vous interroger ainsi que toute autre personne pertinente pour son enquête.
Il peut aussi vous demander des informations supplémentaires pour mieux comprendre la situation financière de l’entreprise.
Protections offertes en attendant le jugement
Tant que le tribunal n’a pas pris de décision sur la demande de réorganisation judiciaire :
- le débiteur ne peut pas être déclaré en faillite ni dissous judiciairement ;
- aucune vente forcée des biens du débiteur (meubles ou immeubles) ne peut avoir lieu dans le cadre d’une procédure d’exécution.
Vente forcée des meubles
Si une vente forcée des meubles est prévue dans les 2 mois qui suivent la demande de réorganisation judiciaire, la vente peut continuer, sauf si le tribunal décide de la suspendre.
Dans ce cas, vous devez demander cette suspension dans votre requête, mais la demande de suspension n’arrête pas automatiquement la vente.
Si la suspension est décidée, les frais de suspension sont à votre charge.
Délai d’examen de la requête
Le tribunal examine la demande de réorganisation judiciaire dans les 15 jours qui suivent son dépôt.
Vous serez convoqué à l’audience, sauf si vous avez renoncé à y assister.
Cette convocation est envoyée par lettre recommandée au moins 3 jours avant l’audience.
Déroulement de l’audience et jugement
Après vous avoir entendu ainsi que le juge délégué (qui fait un rapport sur la situation), le tribunal prend une décision dans les 8 jours qui suivent l’audience.
Si les conditions légales sont remplies, le tribunal :
- ouvre la procédure de réorganisation judiciaire ; et
- fixe la durée du sursis, qui ne peut pas dépasser 4 mois.
Si les conditions ne sont pas remplies, la demande est rejetée.
Le jugement qui ouvre la procédure vous est notifié et est publié dans le Recueil électronique des sociétés et associations pour rendre l’information publique.
Si la demande est rejetée, vous êtes également notifié par le greffe.
Communication aux créanciers
Vous devez informer individuellement vos créanciers du jugement d’ouverture de la réorganisation dans les 14 jours qui suivent son prononcé. Cette communication peut se faire par lettre recommandée ou voie électronique.
Ils sont également informés de la possibilité de consulter la liste des créanciers et d’autres documents de la procédure au greffe du tribunal.
Vous devez remettre au greffier du tribunal une copie de la communication adressée aux créanciers, accompagnée des accusés de réception pour les ajouter au dossier.
Effets de la décision de réorganisation judiciaire
Interdiction provisoire de la réalisation des biens meubles ou immeubles
Durant le sursis, aucune action individuelle qui vise à recouvrir des créances sursitaires ne peut être poursuivies ou exercées contre les biens mobiliers ou immobiliers du débiteur.
Sursis des poursuites des créanciers
Dès l’ouverture de la procédure, les créanciers ne peuvent plus vous poursuivre pour le paiement de leurs créances (dettes). Cela inclut la suspension des saisies de biens meubles ou immeubles. Aucune nouvelle action d’exécution (comme une saisie) ne peut être engagée.
Les créanciers sont protégés, mais doivent attendre la mise en place du plan de réorganisation pour savoir comment et quand ils seront remboursés.
Suspension de la faillite
Pendant la durée du sursis, vous ne pouvez pas être déclaré en faillite, sauf si vous le demandez vous-même.
Si vous êtes une société, vous ne pouvez pas non plus être dissoute judiciairement ou administrativement.
Gel des dettes antérieures
Toutes les dettes contractées avant l’ouverture de la réorganisation judiciaire sont gelées. Cela signifie que vous ne devez plus rembourser vos dettes immédiatement. Elles sont réorganisées ou ajustées dans le cadre du plan de réorganisation.
Les nouvelles dettes, contractées après l’ouverture de la procédure, doivent être payées normalement.
Négociation avec les créanciers
La décision d’ouverture de la réorganisation vous permet de négocier un plan de réorganisation avec vos créanciers. Ce plan peut inclure des rééchelonnements, des réductions de dettes ou d’autres ajustements pour vous permettre de vous redresser.
Les créanciers doivent accepter le plan lors d’une audience de vote, organisée par le tribunal, avant que celui-ci ne soit homologué (approuvé).
Contrôle du tribunal et du juge délégué
Pendant la procédure, vous êtes placé sous le contrôle du tribunal et d’un juge délégué. Ce dernier surveille l’évolution de la situation de l’entreprise, veille au respect des règles de la procédure et fait des rapports au tribunal.
Le tribunal peut, en fonction de l’évolution de la situation, prolonger ou modifier la durée du sursis, voire mettre fin à la réorganisation si les conditions ne sont pas respectées.
Effet sur les contrats en cours
En général, les contrats conclus avant l’ouverture de la procédure restent en vigueur. Toutefois, vous pouvez demander la résiliation de certains contrats s’ils sont jugés préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise.
Spécificités liées au plan de réorganisation
Objectif du plan de réorganisation
Le plan de réorganisation est conçu pour assurer la viabilité de l’entreprise à long terme. Il a pour but :
- de restructurer les dettes ;
- d’ajuster les activités économiques ; et
- mettre en place des mesures qui visent à améliorer la gestion et la rentabilité de l’entreprise.
Contenu du plan de réorganisation
Le plan doit contenir plusieurs éléments essentiels pour démontrer sa faisabilité et sa pertinence. Voici quelques points clés :
- description de la situation actuelle de l’entreprise, y compris ses difficultés financières ;
- mesures à prendre pour redresser la situation, cela peut inclure :
- la restructuration de la dette ;
- la cession de certains actifs ;
- la réduction des coûts ;
- des licenciements ; ou
- la renégociation des contrats ;
- calendrier des paiements pour les créanciers, qui précise comment les dettes sont rééchelonnées ou réduites ;
- plan d’affaires et projections financières pour démontrer la capacité de l’entreprise à être rentable après sa réorganisation ;
- impacts sociaux (par exemple, licenciements ou réductions d’effectifs) et toute mesure prévue pour atténuer ces impacts.
Présentation et approbation par les créanciers
Une fois le plan rédigé, il est présenté aux créanciers. Ceux-ci sont regroupés en différentes catégories (selon la nature de leurs créances : garanties, non garanties, fournisseurs, etc.).
Le plan doit être approuvé par une majorité de créanciers, souvent déterminée par la loi, en fonction des montants des créances détenues.
Si les créanciers approuvent le plan, celui-ci est soumis au tribunal pour validation.
Si une majorité de créanciers refuse le plan, l’entreprise peut être mise en liquidation judiciaire.
Validation par le tribunal
Le tribunal joue un rôle clé car il valide le plan de réorganisation. Il s’assure que :
- le plan est réaliste et viable pour redresser l’entreprise ;
- les créanciers ont été traités équitablement, sans discrimination injustifiée entre eux ;
- le plan ne met pas en danger les droits des créanciers minoritaires ou ceux qui n’ont pas approuvé le plan.
Si le tribunal valide le plan, celui-ci devient obligatoire pour tous les créanciers concernés, même ceux qui ont voté contre.
Suivi de l’exécution du plan
Après la validation du plan, vous devez respecter vos engagements et mettre en œuvre les mesures prévues.
Un commissaire ou un administrateur peut être nommé pour :
- la mise en œuvre du plan ; et
- faire rapport au tribunal de l’avancement de la réorganisation.
Révision ou modification du plan
Dans certains cas, le plan peut être modifié en cours d’exécution, notamment si :
- de nouvelles difficultés apparaissent ; ou
- les conditions économiques changent.
Toute modification du plan doit être approuvée par le tribunal et, dans certains cas, par les créanciers.
Conséquences d’un non-respect du plan
Si vous ne parvenait pas à exécuter le plan de réorganisation ou à honorer vos engagements, les créanciers peuvent demander :
- la révocation du plan ; et
- la reprise des poursuites individuelles.
Cela peut conduire à une liquidation judiciaire de l’entreprise.
Organismes de contact
Tribunal d'arrondissement Tribunal d'arrondissement de Luxembourg
- Adresse :
- Cité judiciaire L-2080 Luxembourg Luxembourg
- Tél. :
- (+352) 47 59 811
- Fax :
- (+352) 47 59 81 24 21
Tribunal d'arrondissement Tribunal d’arrondissement de Diekirch
- Adresse :
-
4, place Guillaume
L-9237
Diekirch
Luxembourg
B.P. 164, L-9202 Diekirch
- Tél. :
- (+352) 80 32 141
Démarches et liens associés
Démarches associées
Liens
Références légales
- Code de Commerce
-
Loi du 7 août 2023
relative à la préservation des entreprises et portant modernisation du droit de la faillite